Sonntag, 10. Februar 2013

Serions-nous complices de notre servitude ? Un addendum à l’introduction sur le traité sur l’origine du fondement de la condition de servitude de l’homme noir.

Dans mon article intitulé « Esclavage et servitude involontaire au Sénégal », en date du 17 Septembre 2012, publié sur seneweb.com, je faisais état de la condition de vie dégradante et inhumaine réservée aux employées de maisons appelées péjorativement « mindaan » ou « bonnes ». Dans la même optique j’ai brièvement fait allusion à la situation préoccupante des élèves en école coranique dits « talibé njaangan » et à la logique des castes qui elle aussi gangrène la société sénégalaise. Je compte d’ailleurs consacrer un numéro spécial pour chacun de ces phénomènes dans mon émission hebdomadaire Protubérances, avec à la clé des invités, qui sont en l’occurrence spécialistes de ces questions de société.



Ceci dit, j’ai lu avec intérêt l’article de Mame Diarra  intitulé « Domestiques africaines en pays arabes: les nouvelles esclaves du 21éme siècle », publié le vendredi 21 Septembre 2012 sur seneweb.com et j’ai suivi par la suite toujours avec le même intérêt le débat qui s’en est suivi. Je salue au passage le courage exemplaire et la pertinence de Mame Diarra dans ses prises de position. Je déplore par la même occasion les insultes et les propos indécents qui ont été postés dans certains commentaires. J’aimerais tout simplement en guise de contribution au débat sur la condition de servitude de l’homme noir rappeler aux lecteurs que les élites politiques, intellectuelles et religieuses de l’Afrique ont toujours eu, aujourd’hui comme de par le passé, une part de responsabilité considérable dans la condition de servitude de l’homme noir que ce soit en Afrique, en Arabie, aux Amériques ou autre part ailleurs sur cette terre.


L’esclavage, la servitude et la traite négrière ont été d’abord des phénomènes socioculturels interafricains, avant de devenir plus tard une activité économique lucrative arabo-berbère et européenne par la suite.


En effet les sociétés négro-africaines préislamiques et précoloniales ont eu à pratiquer l’esclavage et la traite négrière certes sous une forme moins industrielle que le commerce triangulaire, mais il n’en demeure pas moins aussi brutale, liberticide et avilissante à l’encontre de leurs frères de race.


L’esclavage en Afrique noire médiévale résultait du fait que, d’une part nos sociétés féodales étaient géographiquement trop éloignées du rayon d’action immédiat des Saintes Écritures que sont la Bible et le Coran et ce faisant n’ont pas pu avoir accès aux réflexions philosophiques et objectives sur le statut juridique de l’être humain en général et par conséquent n’ont pas eu une notion juste du principe universel de l’égalité entres les êtres humains tel qu’exigé dans la théorie du discours normatif des religions révélées.


D’autre part nos ancêtres n’avaient pas mis au point un concept de détention carcérale et de privation de libertés dans leur catalogue de sanctions pénales, à la différence des sociétés européennes. Ce qui fait qu’à la suite des conflits armés, les vainqueurs asservissaient les vaincus y compris les membres de la couche noble. De  cette forme de sanction pénale est née une classe laborieuse, qui était de fait la classe ouvrière des états-nations de l’Afrique noire précoloniale. La découverte du continent américain en 1492 par Christoph Colomb et l’ouverture atlantique des aristocraties côtières de l’Afrique occidentale qui s’en est suivie, sont venues aggraver le sort tragique des esclaves noirs sur le sol africain. Il s’en est suivi un commerce de l’homme noir sur une durée de plus de trois siècles avec la complicité criminelle des élites politiques des sociétés traditionnelles négro-africaines. Les négriers européens à eux seuls n’auraient pas pu aller chercher les esclaves noirs jusque dans les contrées intérieures des terres africaines. Il leur a fallu des auxiliaires locaux, des négriers nègres bons teints, comme support de transmission dans une activité commerciale considérée comme conforme à la morale par un…Pape depuis le Vatican et défendue par des philosophes très lus et écoutés alors. Dieu n’a pas mis une âme dans le corps de hommes aussi noirs disaient-ils en substance.


L’Islam a certes pour but affranchir la race humaine de toute forme d’aliénation, de domination et de servitude, mais force est de reconnaître que les élites religieuses de l’Islam négro-africain n’ont pas su œuvrer dans le sens de la libération de l’homme noir.


Prenons le Sénégal comme exemple. Même s’il est vrai qu’au temps du Sénégal précolonial les serignes et autres érudits du Saint Coran servaient de rempart entre les despotes traditionnels et leurs sujets opprimés, et allégeaient ainsi la souffrance des populations, force est de reconnaître que la colonisation française, ou pis l’occupation coloniale française, a consacré la fin des élites politiques traditionnelles africaines et la naissance d’une nomenclature maraboutique encore très influente au Sénégal. Du fait du poids important de foi musulmane au Sénégal cette nouvelle élite religieuse s’est supplantée à l’élite politique des aristocraties traditionnelles. Si le serigne a pu prendre la place du bour, teigne, damel ou brack, c’est que ce dernier a failli à sa mission primordiale, celle d’assurer au citoyen du Jolof, du Baol, du Cayor ou du Walo la sécurité et la liberté etc. Autrement dit les échecs politiques en Afrique noire ne sont pas seulement postcoloniaux, ils ont été précoloniaux. Ayant pris la place du chef politique, le chef religieux n’a pas fait de l’homme noir un sujet libre, affranchi et responsable. Le chef religieux a tout juste su préserver le caractère islamisé officiel de la grande majorité de la société sénégalaise sous les auspices de l’occupant colonisateur et ceci en faisant fi des aspirations fondamentales auxquelles tout individu à droit, et d’ailleurs à juste titre. C'est-à-dire qu’il a renoncé au Sénégal politique en contrepartie d’un Sénégal religieux, qui au gré des circonstances a été malléable à la volonté du colonisateur français. Comment expliquer que Blaise Diagne, Haut Commissaire du Gouvernement Français pour le recrutement des troupes indigènes durant la Première Guerre Mondiale, un franc-maçon ouvert, ait pu faire recruter pour le compte des Armées françaises des centaines de milliers de jeunes africains avec l’appui et la bénédiction de la plupart des marabouts de l’époque? N’est pas là un signe de complaisance et de connivence avec l’autorité coloniale de la part des religieux?


Après les indépendances ces mêmes religieux ont servi de support à la nouvelle élite politique du Sénégal postcolonial dans une dynamique d’achat de conscience, d’obscurantisme et de trafic d’influence.


Pour en revenir au sort très peu enviable des domestiques noires africaines dans les foyers au Sénégal ou en Arabie, après cette parenthèse historique, je consens à affirmer ici haut et fort, qu’aussi longtemps que nos élites intellectuelle, politique et religieuse seront complaisantes voire complices de notre condition de servitude ici même au Sénégal, nous serons toujours réduits à l’esclavage, aux tâches domestiques et sots métiers sous d’autres cieux. Si au Liban les domestiques sénégalaises se font violer, brutaliser et maltraiter par leurs employeurs libanais, c’est qu’ici même au Sénégal, elles subissent le même sort de la part de leurs concitoyens sénégalais et frères de race avec l’indifférence générale d’une grande frange de la société sénégalaise et le silence criminel des élites sénégalaises.


Mame Diarra je comprends bien votre peine, mais essayons d’abord d’éradiquer le phénomène « mindaan » de notre société, si nous y réussissons, nous pourrons ensuite exporter la recette en Arabie ou en Europe.


Chers compatriotes, soyons tous debout comme un seul homme et luttons contre l’esclavage et la servitude involontaire au Sénégal.




Abd El Kader Niang


Analyste politique/ Conseiller en communication





 L'auteur Abd El Kader Niang

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