Sonntag, 10. Februar 2013

Protubérances avec Mme Nathalie Dia, coordonnatrice adjointe et responsable de la cellule communication du Mouvement Taxaw Temm


Bonsoir Mme Nathalie Dia, merci de nous avoir accordé pour une deuxième fois une interview pour ce numéro de Protubérances.
AKN : L’actualité politique sénégalaise est dominée par deux grands thèmes: les audits de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI) et l’intervention militaire sénégalaise au Mali. Alors que pensez-vous des audits de la CREI ?
La CREI semble pour le moment faire plus d’agitation que de sérénité et d’avancées significatives. On a l’impression que ces convocations ressemblent plus au Carnaval de Rio où l’on invite les uns et les autres à venir faire un tour de piste avant de passer à une autre séquence de théâtre cette fois-ci, pour finir par jouer à cache-cache entre soit-disant « persécuteurs » et « victimes ». Un peu de sérieux dans ce qui semble être la casse du siècle au Sénégal nous agréerait volontiers!


AKN : N’avez-vous pas l’impression les investigations de la CREI sont sélectives, parcellaires ou peut-être même partisanes? En d’autres termes ne pensez-vous pas que les audits sont dirigés seulement vers un groupe de personnes bien définies et que d’autres à qui on peut aussi reprocher de s’être enrichis de manière illicite, ne sont pas inquiétés ?
Ce que l'on note surtout, c'est que la justice spectacle que nous offre la CREI pour traquer les biens supposés mal acquis et le blanchiment laisse penser à un soupçon de vouloir gagner du temps jusqu’ aux élections présidentielles de 2017 (s’il y a raccourcissement du mandat présidentiel) en faisant trainer la procédure, ou pire en se précipitant avec le secret espoir d’entacher les procédures d’irrégularité de sorte qu’elles seront annulées par le juge même en cas de culpabilité. Donc, dans un cas comme dans l’autre les audits auront accouché d’une souris. Ce qui importe pour nous qui sommes de l'autre côté de la barrière, c'est de nous montrer intransigeants pour bannir toute forme d’impunité et exiger la récupération de toutes les sommes détournées. Si l’on a rien à se reprocher, il est inutile de crier au scandale ou de se sentir victimisé ou persécuté!


AKN : Est-ce que vous faîtes confiance à la CREI dans cette mission qui lui est dévolue ?
Pour l’instant non et je l’ai expliqué plus haut!


AKN : Certains avocats évoquent la possibilité de médiation pénale, pensez-vous que les audits seront menés jusqu’au bout avec à la clé des poursuites judiciaires pénales et que l’argent du contribuable sénégalais sera totalement recouvré ?
Ce ne sont  pas seulement les avocats qui l'évoquent; le gouvernement par la voix du Ministre de la justice, ainsi que les leaders de Benno Bok Yaakar privilégient, malheureusement cette médiation pénale. Or toute situation juridique expose soit à une responsabilité civile et / ou pénale. Substituer la responsabilité civile à la responsabilité pénale quand toutes les deux sont engagées c’est faire preuve de déni de justice alors même que se pose une exigence de justice et d’éthique. C’est un fait gravissime, car cela voudrait  dire que «  voler n’est pas grave, mais c’est se faire prendre qui l’est » et qu’en tout état de cause « on ne court aucun risque du moment qu’on a les moyens de rembourser ». Une certitude : il ne faut pas trop se faire d’illusion quant au recouvrement total de l’argent détourné encore moins d'une condamnation forte des personnes incriminées.


AKN : Quelles sont vos attentes par rapport au fonctionnement de la justice sénégalaise dans cette mission de répression de l’enrichissement illicite en particulier et en général dans sa mission de garantie du respect du droit par tous et de sanction des infractions à la loi ?
Nos attentes sont, bien évidemment nombreuses. La plus pressante étant celle de voir une justice sereine et équitable qui dira le droit quelque soit le justiciable. Une justice qui instruit à charge et à décharge, une justice qui ne soit ni aux ordres, ni instrumentalisée,une justice libre avec des magistrats indépendants. Une justice qui fait respirer l’Etat de droit en respectant le droit ainsi que les droits de chacun.
C’est une question de justice, d’éthique et d’intégrité…


AKN : Que pensez-vous de l’intervention militaire du Sénégal au Mali ? N’est-ce pas un choix risqué ?
Ce n’est pas un choix risqué, c’est un choix qui s’imposait à nous naturellement. Le Mali est un pays frère et c’est tout naturellement que l’on approuve cette décision. Nous devons soutenir nos vaillants djambars dans cette noble mission qui leur est confiée et leur souhaiter plein succès.


AKN : A votre avis le Sénégal a t-il les moyens de mener une guerre contre le terrorisme ? Le choix du gouvernement sénégalais ne risque-t-il pas d’exposer le Sénégal et les citoyens sénégalais à d’éventuelles représailles de la part des terroristes ?
Il est évident que le Sénégal, tout comme les pays de la sous région, n’a pas les moyens de mener seul une guerre contre le terrorisme. Le terrorisme est un cancer planétaire et aucun pays dans le monde  à lui seul ne peut apporter une réponse adéquate au terrorisme de façon durable ou pérenne. Il faut donc pour cela une action concertée, coordonnée sans transiger. Avec ou sans engagement au Mali, le Sénégal  et les sénégalais sont exposés à d’éventuelles représailles de la part des terroristes et des narcotrafiquants à l’instar des sept (7) pays qui partage une frontière commune avec le Mali. Ce dernier constitue donc un Etat tampon face aux terroristes et par conséquent s’il tombe, tous les autres pays de la zone vont suivre comme dans un jeu de domino. En défendant le Mali, tous ces pays se protègent donc.


AKN : Certes dix mois c’est assez prématuré pour faire le bilan de l’actuel régime en place, mais que pensez de la démarche du Président de la République Mr Macky Sall ?
10 mois c'est tout à fait suffisant pour juger une action, ne serait-ce que pour en dessiner les tendances. Pour ce faire il faudrait partir des objectifs fixés au départ, des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus pour dégager les écarts constatés entre les objectifs et les résultats. A tout moment il est possible d’effectuer un bilan d’étape, d’ailleurs nécessaire, afin d’apporter les correctifs nécessaires en cours d’exécution d’un projet.


On peut retenir comme exemple, l’engagement de campagne du candidat Macky Sall, repris dans la Déclaration de Politique Générale du Premier Ministre pour le compte du Président Macky Sall, de créer 500.000 emplois en 5 ans (durée supposée de son mandat) en raison de 100.000 emplois par an.


Le Président Macky Sall dans son adresse à la Nation du 31 décembre 2012 reverra cet engagement à la baisse, soit 30.000 emplois par an (emplois crées à travers le FONGIP et le FONSIS). La question est donc de savoir combien d’emplois ont été crées en 10 mois (soit 1 an)? Plus généralement, le bon sens commande de se poser la question de savoir si Macky Sall pourrait créer 500.000 emplois en 5 ans alors que l’ensemble des emplois du secteur formel au Sénégal est loin en deçà de ce chiffre.


AKN : Croyez-vous que Mr Macky Sall pourra redresser la situation durant son mandat ou lui faudrait-il un second mandat ?
Dans la vie, tout est question d'organisation! Un mandat est bien largement suffisant pour dérouler un programme si tant est que l'on soit là pour servir et uniquement servir. Cela suppose évidemment, une feuille de route avec des objectifs bien définis et structurés, un bilan à mi-parcours mais aussi et surtout les hommes qu'il faut à la place qu'il faut!


Prétendre vouloir un second mandat pour parachever une œuvre à peine entamée, parce que l'on aura passé son temps à tâtonner, serait superfétatoire. Le temps est au travail pas à la rigolade.


AKN : Si c’était pour demain les prochaines élections présidentielles, est-ce-que vous auriez voté pour Mr Macky Sall ?
Définitivement: non! Pour la simple et bonne raison que nous découvrons qu'il n'a jamais été question pour le Président de la République d’éthique, de transparence, de la fin du clientélisme comme il l'avait énoncé dans son premier discours à la Nation. La rupture tant attendue pour amorcer un saut qualitatif dans le sens de la bonne gouvernance n'est pas au rendez-vous! Ce que nous voyons c'est plutôt une gestion plus ou moins patrimoniale des affaires de l’Etat qu’installe lentement mais sûrement le parti de Macky Sall au sommet de l'Etat... c’est donc pour nous une impression de déjà-vu ou déjà-vécu!


AKN : Qu’en est-il de Mr Ibrahima Fall ? Est-il de la majorité ou de l’opposition ?
Le Professeur Ibrahima Fall se porte comme un charme. Comme il l'a dit récemment, il n'est ni dans l'opposition ni dans la majorité. Sa seule constante reste les valeurs, la culture de l'excellence. C'est un vaste chantier, vous savez!


AKN : Sera-t-il candidat aux prochaines échéances présidentielles ? Est-il toujours votre candidat ?
Nous avons le temps de voir venir les choses. Ce qui importe pour nous c'est de restructurer le mouvement, de le massifier et de préparer notre Congrès dans un futur proche qui déterminera la suite des évènements. A ce moment là, l'on saura s'il sera candidat ou pas.


AKN : Au Sénégal quand on parle de politique on a tendance à se concentrer sur la majorité et donc on omet d’analyser les actes posés par l’opposition, que pensez-vous de l’actuelle opposition libérale à la Place Soweto ?
Il est bien vrai qu’au Sénégal, le focus est toujours mis sur la majorité avec la croyance saugrenue que la minorité compte pour quantité négligeable. C’est le reflet de l’état d’immaturité voire primaire de la démocratie. L’opposition actuelle est bien dans son rôle même si bien souvent elle fait preuve de beaucoup de populisme et se pose en victime. Elle devrait sans doute s’inscrire dans une dynamique constructive et une perspective alternative en faisant le bilan sans complaisance de leurs douze (12) ans de mal gouvernance. Malheureusement,  majorité présidentielle comme opposition sont dans une logique de vengeance et de règlements de compte loin des préoccupations des sénégalais tenaillés par la cherté de la vie, les perspectives d’avenir sombres etc…


AKN : Que diriez-vous du M23 ?
Le M23 est l’expression de l’émergence d’une opinion publique salutaire capable de peser de tout son poids sur les décisions des pouvoirs publics. Contrairement à ce qu’on pourrait penser (même si c’est la position de certaines individualités du M23), le M23 n’est pas né pour régler simplement un problème ponctuel à savoir à la fois le retrait du ticket présidentiel de Me Wade, sa troisième candidature inconstitutionnelle et le respect absolu de la Constitution. Mais le message du M23 va au-delà de cette exigence, car il dispose pour l’avenir ; autrement dit il s’adresse au régime de Me Wade, mais met en garde tous les pouvoirs à venir.  Désormais rien ne sera plus comme avant, étant entendu que le M23 s’érigera en observatoire et en sentinelle de défense de l’Etat de droit et de la démocratie, du respect de la constitution etc…


Avec la dernière Assemblée Générale tumultueuse du M23, certains en ont déduit la fin du mouvement suite à sa scission. En réalité il n’ya pas eu de scission, mais le départ de certains jeunes (pas tous) qui sont opposés  à la mutation du M23 en association de droit privé pour sortir de l’informel et assurer son indépendance vis-à-vis de tous ceux qui voudraient l’instrumentaliser. Ceci est vital pour la survie du M23; se sont les partis politiques et certaines personnalités qui assuraient son financement. Le M23 comme le Mouvement Y’en a marre ont toujours leur raison d’être et doivent survivre à toutes les chapelles pour nourrir et faire respirer la démocratie et parer à toute éventualité de dérives et confiscation des acquis de la volonté populaire.


AKN : Et le mouvement « Y en a marre » ? A-t-il toujours sa raison d’être ?
La raison d'être de "Y'en à marre", esprit ou Mouvement est plus vivace aujourd'hui qu'elle ne l'était hier et l'est bien moins que demain! Un peu pour dire que ce mouvement et cet esprit iront de pair tant que le bien-être des populations ne sera au cœur des préoccupations de ceux qui gouvernent. On constate depuis quelques temps, qu'après s'en être servi comme moyen d’instrumentalisation et de manipulation politique pour abuser l’opinion publique, une volonté manifeste de jeter l'opprobre sur le Mouvement Y'en à marre. C'est peine perdue... Moi je crois bien plus en l’esprit « Y’en à marre » qui habite chacun de nous, épris de justice, d’équité et de courage et je reste persuadée que les choses ne se passeront plus comme par le passé. Le Mouvement Y'en à marre a une légitimité certaine, n’en déplaisent à certains ; un tel rassemblement n’a pas été vu depuis les mouvements de contestation de Mai 68. Ce mouvement est une sentinelle de défense de l'Etat de droit et de la démocratie, du respect de la Constitution!


AKN : Des danseuses qui exhibent leurs parties intimes en public, une miss diongama en pantalon transparent et une certaine presse qui participe à la divulgation de ces images jugées obscènes par les puritains, que vous inspire tout cela Mme Dia ?
Cela m'inspire que notre société est en crise et notre presse aussi! Concernant la presse, si le code de déontologie du journalisme, autrement dit l'éthique à laquelle un journaliste doit souscrire avant de s'engager dans sa profession n’est pas respecté, on court droit à la catastrophe. Si des méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents sont utilisées, si l’on ne respecte pas la vie privée des personnes voilà à quelle sorte de dérives nous arrivons. Il fut un temps où nous avions peur du  regard d’autrui, nous avions peur de blesser l‘autre! Nous voulons certes de l'information mais de grâce, pas n'importe quelle information!


Je me rappelle avoir poussé un cri du coeur  au lendemain de l’élection Miss Diongoma à la lecture de l'article titré " Avis aux hommes: les candidates à Miss Diongoma cherchent un mari"!! Aujourd’hui je pousse un haut-le-cœur à la vue de ces images exhibitionnistes qui ne reflètent en rien l’image  de la vraie belle femme sénégalaise aux formes généreuses chic en boubou ou en pagne. C’est affligeant... Mais bon… c'est le monde dans lequel nous vivons!


Je vous remercie Mme Dia








   




 L'auteur Abd El Kader Niang

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