Sonntag, 10. Februar 2013

Pourquoi y-a-t-il tant d'échecs au niveau de l'immigration africaine en occident?


1. Mr. Boye que vous inspire toute cette vague d'immigrés qui quittent l'Afrique, ou plus précisément leurs pays d’origine pour venir s'installer en Europe ou en Amérique?


Le mouvement est inscrit dans l’Univers. Tout bouge, rien n’est figé, pas même ce que nos yeux perçoivent comme « figé ».
Les peuples ont toujours bougé et même les animaux émigrent naturellement.


Les Africains émigrent pour des raisons différentes.


La première raison, pour laquelle les Occidentaux ont tendance à nous montrer du doigt, c’est l’aspect économique de l’immigration. Mais il y a des milliers, sinon des millions, de raisons autres qui poussent les jeunes Africains à émigrer.


Derrière l’économie se cachent d’autres raisons souvent occultées par le fait que la quête humaine de l’Afrique est réduite à une dimension simplement matérielle. Alors que le sens africain est beaucoup plus profond et large que la quête matérielle.


Quant à ce que cela m’inspire, je ne vois pas de mal à voyager et à aller vers d’autres cieux, ce sont plutôt les conséquences qui sont inquiétantes: fuite des cerveaux, déstabilisation familiale et sociale, problèmes psychologiques et sociologiques, intégration des générations issues de ces mouvements migratoires etc.…


2. Est-ce-que l'immigration africaine sous sa forme actuelle est une solution aux problèmes de l'Afrique?
C’est une question difficile.  Il faut diagnostiquer un mal pour trouver un remède.
Les problèmes de l’Afrique sont nombreux. L’immigration seule n’est pas une solution, même si les immigrés contribuent beaucoup à la vie de leurs familles restées au pays.


J’ai l’habitude de dire à mes amis en plaisantant, nous immigrés nous sommes un peu des sortes de « couverture sociale » pour nos familles. De ce fait nous avons tendance à faire plus que le gouvernement du pays d’origine. C’est une contribution instantanée qu'il ne faut pas négliger, mais elle n’est en aucun cas une solution durable.


3. Pourquoi y-a-t-il tant d'échecs au niveau de l'immigration africaine en occident? Est-ce des échecs individuels ou plutôt des échecs systémiques?
Il y a plusieurs facteurs.  Je ne suis pas un spécialiste en la  matière mais, par rapport à mon expérience, c’est que d’abord nous n’y sommes pas préparés.
Nous atterrissons ou amerrissons en Europe, avec beaucoup d’illusions sur un continent riche et où il fait bon de vivre. La désillusion est énorme et les dégâts psychologiques énormes.


Si le but est de chercher de l’argent, nous passons à côté de choses merveilleuses sans nous en rendre compte. 


Si le but est d’acquérir autre chose, qui ne relève pas du matériel, la famille ne nous pardonne pas souvent de ne pas revenir en jet privé.


Plus le fait qu’en réalité celui qui est envoyé par la famille n’est pas forcément l’élu mais le sacrifié.


L’immigré est seul en face de tout et de tous, c’est déprimant. Un immigré souvent est un héros qui a sacrifié sa vie pour sa famille.


Plus le fait que si on pouvait rentrer tranquillement en Afrique si l’aventure ne marche pas… Mais non, l’Afrique est un continent où tout est basé sur un honneur collectif dévastateur au détriment de la vie ou de l’honneur personnel de l’émigré.


L’échec systémique, c’est que l’Europe est une machine à broyer les Africains. Rien d’autre.


Et l’Afrique aide à broyer ses enfants par un système d’exploitation de l’immigré, qui est odieux. 


J’assume mes mots. Mais il ne faut pas oublier aussi les quelques réussites que l’effort et l’abnégation ont crée.


4. Faut-il un nouveau type d'immigration pour les Africains? Faut-il un nouveau profil de l’immigré africain?
Il faut d’abord relever le fait que presque tous les peuples émigrent. Les allemands, les italiens, les péruviens, les chinois, tout le monde quitte son pays pour aller ailleurs.
Alors pourquoi se focaliser sur l’émigration africaine ?


N’oublions pas que la déstabilisation géographique, géopolitique, psychologique et la violence des agressions du passé ont fait de nous des « refugiés » …


Oui l’Africain est un refugié qui porte la mémoire de ses ancêtres.


Nous fuyons toujours la violence des combats du passé et leurs dégâts collatéraux.


D’aucun me diront que c’est du passé, certes mais, y-a-t-il un peuple sur terre, dont le passé ne façonne absolument pas le présent?


La tragédie nazie c’était en 1945, l’indépendance de beaucoup de pays africains c’est entre 1960 et 1990. Et pourtant, certains relèguent la tragédie africaine déjà dans la passé.


Le profil nouveau de l’émigré africain en Occident gagnerait beaucoup à ce qu’on arrête, de le mépriser lui et son histoire.


5. A votre avis est ce qu'il y a, au moment où je vous parle, une alternative à l'immigration pour les Africains?
Il devrait y au moins avoir une alternative au retour catastrophique que beaucoup de nos compatriotes vivent. Mais je crois personnellement que l’alternative c’est de créer des emplois au niveau des pays de départ.
S’il y a un projet de société, où la justice, l’équité, le droit à un logement, le respect de la dignité de l’individu, une couverture médicale sont assurés à nos concitoyens aucun d’eux ne quittera son pays.


Les Africains aiment vivre chez eux, ils ne demandent qu’à avoir accès à un minimum. Toute autre idée, pourrait se révéler être de l’utopie et de la démagogie politicienne.


6. Au cours d'une discussion que vous et moi avons eue  sur skype, vous faisiez la différence d'entre être Noir Africain en Europe et être Noir Africain en Amérique, en quoi consiste cette différence?
En Europe des siècles de colonisation et de propagande médiatique ont crée un hologramme négatif et complètement hallucinant du noir.
Quoi que vous puissiez faire ou dire, le type en face de vous a un hologramme programmé dans sa tête. Et c’est dur de se battre contre un hologramme.


Aux Etats Unis par contre, les noirs se sont battus contre le racisme, la ségrégation et ont réussi quelque part à démontrer que l’idée de la suprématie d’un peuple sur un autre est une aberration. Même si le combat n’est pas fini.


Quand on est africain aux Etats-Unis, on peut bénéficier de cette image plus positive du noir.


7. Que pensez-vous de l'immigration clandestine? Que pensez-vous de l'immigration dite "choisie" et de la fuite des cerveaux?
L’immigration clandestine est une situation très dure à tous les niveaux.
Hormis la perte de temps  pour l’immigré, l’angoisse et l’incertitude même  sont  les socles de cette situation désastreuse.


Personnellement, je crois que c est une erreur de vivre dans la clandestinité.


C est moralement aussi inacceptable.


Au nom de la dignité humaine personne ne devrait être amené à  vivre dans la clandestinité.


Par contre beaucoup d’émigrés sont honteusement exploités, par des patrons véreux qui savent que ces derniers n’ont pas de papiers et ils en profitent bien, en leur payant des salaires de misère.


Ils sont sans droits et n attirent l’attention de personne.


La clandestinité, ce n’est pas glamour. Ce n’est pas un thème vendable.


L’immigration choisie elle, me rappelle curieusement les théories darwiniennes de la sélection naturelle où les plus « faibles » doivent laisser la place aux plus « forts ». Je suis complètement en désaccord avec ce schéma sélectif des individus basé sur leur éducation ou leur statut.


Je pencherai pour un échange, qu’ils nous donnent leurs « cerveaux » et qu'ils prennent nos « cerveaux »  (Rires) Ce serait équitable.


Maintenant c’est à nous de choisir.


C’est complètement faux de penser que l’Afrique n’a rien à offrir à ses « cerveaux ».  Les médecins, les professeurs, les ingénieurs font leur vie et se réalisent parfaitement. L’idée d’un Occident parfait pour les intellectuels et les savants est un mythe.


Faut-il occuper sa vie à la recherche de l’éphémère, lorsque l’éternité des générations à venir nous interpelle?


Faut-il aller enseigner à Yale ou Oxford quand tout est à refaire en Afrique?


J’ai vu des docteurs pakistanais et des ingénieurs irakiens devenir chauffeur de taxi à New York, alors qu’ils ont des étudiants qui les attendent au Pakistan et en Irak. Je tiens cependant à préciser que ceci est une vision intellectuelle et non pas un jugement sur les personnes et leur choix.


Moi je ne suis pas un cerveau, mais je crois que  je repartirai afin que d’autres jeunes puissent bénéficier de mon expérience accumulée durant mon odyssée.


8. De l'avis de Mr. Sarkozy "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire", comment appréciez-vous les propos de Sarkozy? Selon vous quel est le rôle de l'homme noir dans l'histoire de la race humaine?
J’ai été très surpris, par le discours de Dakar. C’est une polémique niveau caniveau et je ne perds pas du temps sur ces histoires. J’ai été d’ailleurs surpris de voir autant d’intellectuels sénégalais se liguer pour lui répondre. On prête à l’ancien président Wade, le fait d avoir dit après le discours en guise de réponse: « Son nègre l’a trompé »
Monsieur Sarkozy n’est pas un intellectuel, alors forcement ces pensées idéologiques ne sont pas de son ressort. Et d’abord de quelle histoire s’agit-il? L’histoire de l’humanité? Ou celle de la France? Ou de celle des Africains? Ou l’histoire tout court, qui donne raison aux agresseurs et invalide la thèse des agressés? Comment quelqu'un de sensé peut-il penser que les Etats-Unis sont entrés dans l’histoire plus que la Hongrie ou la Hongrie plus que le Venezuela?


L’Histoire s’écrit et tout ce qui s’écrit s’interprète.


Donc à chacun ses interprétations philosophiques, religieuses, ou même racistes. Mon interprétation à moi est que l’Homme noir est entré dans l’Histoire de l’Humanité par la grande porte à tous les niveaux.


Nous avons beaucoup donné à l’Europe, au monde arabe et aux Amériques etc.…


Je dois aussi dire qu’à chaque époque de l’histoire, il y a eu des actes, et des pensées pour dégrader l’image de l’homme noir. Sarkozy a juste repris des vieux thèmes qui font de l’Afrique une sorte de tabula rasa où tout est vide, figé pour l'éternité.


Nous sommes entrés dans l’histoire au point qu’ils ont eu besoin de notre continent durant des siècles pour exister. Qu’est ce que la France faisait en Afrique pendant tout ce temps ?


9. Quelle est selon vous la part de responsabilité de la faillite des élites africaines dans cet exode global des Africains?
La part de responsabilité des élites dans ce problème, c’est que les élites ont déjà quitté l’Afrique, elles-mêmes ont émigré ailleurs, victimes des abus de ceux qui se disent “élites“ aujourd’hui. (Rires)
Plus sérieusement encore, il faut des moyens de retenir les candidats à l’émigration. Aux politiciens de trouver des solutions.


La fuite des cerveaux est spécifique à chaque région de l’Afrique. Dans certaines zones où les tyrans et dictateurs de tout acabit règnent, les cerveaux sont les médecins, les instituteurs, les journalistes qui sont souvent des dissidents, les remparts contre la dictature. Quand ils fuient le régime, ils sont remplacés par des pseudo-cerveaux qui servent la dictature.


Dans d’autres pays sans dictature politique, comme le Sénégal, la dictature vient des familles pour qui revenir sans l’or de Fort Knox ou la fortune de Bill Gates est une honte. Ce qui fait que nos élites lorsqu’elles quittent l’Afrique, elles deviennent par la force des choses des commerçants improvisés, oubliant que « seul l’esprit s’il souffle sur la glaise peut créer l’homme » comme disait Antoine de Saint-Exupéry.


10. L'isolement des Africains en Occident, c'est dans les deux sens, me disiez-vous un jour, que voulez-vous dire par là?
Ben simplement par le fait que nous nous regardons en chiens de faïence. Eux ils nous isolent et nous nous isolons par l’acceptation de cet isolement. Il faut faire face et ne pas avoir le profil inné de la victime. L’ignorance de l’autre se reflète dans le miroir que nous leur tendons parfois. Il est temps que les Africains se voient avec leurs propres yeux, même si cela semble impossible pour l’instant.
A l’école, il faut revoir ce que nous enseignons à nos enfants, les mots ayant une résonance particulière dans la tête d’un enfant. Au mot « colonisation » par exemple, je préfère le mot « occupation ». 


Cette histoire de l’Afrique ou des blancs puissants venus conquérir nos terres doit être effacé de la mémoire collective.  Nous devons nous focaliser sur des termes comme « agresseurs » et « agressés », avoir un devoir de mémoire sans tyrannie ni rancune.


Les vainqueurs c’est nous pas eux. L’indépendance nous l’avons payé chèrement au prix du sang et de la misère. Et nous continuons à la payer durement. Mais des historiens spécialistes doivent se pencher sur ça, moi je ne suis qu’un musicien.







 L'auteur Abd El Kader Niang

Keine Kommentare:

Kommentar veröffentlichen