Sonntag, 18. August 2013

Vers une redéfinition de la laïcité au Sénégal et une gestion républicaine de la chose religieuse


La constitution de la République du Sénégal veut dans sa théorie normative que le Sénégal soit un état laïc. Cependant une simple observation empirique objective de la pratique politique réelle, en termes de fonctionnement des institutions, suffit pour en déduire que le Sénégal est de facto un état religieux. En d’autres termes le caractère laïc de la République du Sénégal est putatif. L’idée même de laïcité en tant que forme d’organisation politique, à l’origine, ne découle pas de la volonté souveraine du Peuple Sénégalais, mais résulte plutôt du suivisme de l’élite politique et intellectuelle du Sénégal postcolonial immédiat, qui n’a pas su forger une loi fondamentale et un système de régulation normative à l’image de la société sénégalaise. Il a été simplement question de  plagier odieusement le modèle français et de l’appliquer à une société sénégalaise, qui malgré un siècle et demi d’occupation coloniale et de tentative d’aliénation culturelle a su préserver son identité religieuse. Nous avons été musulmans avant d’avoir été sénégalais, nous avons été croyants, avant d’avoir été citoyens. L’Islam est millénaire au Sénégal, alors que la République du Sénégal vient tout juste de célébrer le 53ième anniversaire de son accession à la souveraineté internationale.
Les élites politique et intellectuelle du Sénégal ne sont toujours pas parvenues, et ce après cinquante années de souveraineté internationale, à intégrer l’identité religieuse de l’écrasante majorité des citoyens sénégalais, en tant que donne sociologique réelle, dans le système de notre organisation sociopolitique. C'est-à-dire la chose religieuse a été toujours et continue encore de faire l’objet d’une gestion informelle. Ce qui entre autres explique le phénomène de mendicité des élèves en école coranique et la gestion ethno-tribale voire clanique de l’Islam au Sénégal.
La laïcité à laquelle la constitution sénégalaise fait allusion dans son premier article n’est rien d’autre que le pendant politique de l’athéisme, de l’anticléricalisme et de l’anti-religion. Ce concept de laïcité à la française nous est étranger. Et ce n’est pas la simple abstraction d’une fiction juridique qui fera de nous autres sénégalais des athées, des anticléricaux ou des ennemis de la religion. Il nous faut donc une redéfinition de la laïcité, laquelle prendra en compte nos réalités socioculturelles auxquelles nous référons. Il ne s’agit ici nullement de faire l’apologie d’un régime théocratique. Je rejette toute idée de fondation d’un régime théocratique au Sénégal.
Si laïcité veut dire  séparation entre l’État et la religion, que cette séparation soit alors purement fonctionnelle et non fondamentale. C'est-à-dire que cette séparation ne nie pas le fait  social réel que nous le Peuple Sénégalais sommes croyants en Dieu. Et de la même manière qu’il y a des institutions politiques qui ont pour vocation d’organiser la vie publique de la Nation, que l’on crée un organe institutionnel neutre et équidistant chargé d’organiser la gestion du culte. En d’autre termes la République du Sénégal devra être neutre (c'est-à-dire ni musulmane ni chrétienne) et à égale distance entre les différentes confréries dans le cadre de sa gestion des questions cultuelles.
L’architecture institutionnelle du Sénégal a plus que jamais besoin d’un secrétariat d’État au culte et d’un haut conseil du culte du musulman dans lequel toutes les confréries musulmanes du Sénégal seront représentées de manière paritaire. Le haut conseil du culte musulman convoquera à échéances régulière les états-généraux de l’Islam au Sénégal et aura pour mission principale d’harmoniser la pratique de l’Islam au Sénégal. Il servira aussi d’instance de dialogue entre les différentes confréries du Sénégal. Le secrétariat au culte quant à lui aura pour mission d’organiser la gestion administrative des affaires religieuses. Il sera compétent pour prélever des impôts destinés aux cultes, collecter des dons, organiser les fêtes religieuses (Tabaski, Korité, Tamkharit etc.) sur l’étendue du territoire national et financer de manière proportionnelle les cérémonies religieuses à caractère confrérique (Maouloud, Magal, Daka, commémoration de l’appel de Yoff etc.). Il sera doté d’un budget voté par le parlement pour subventionner la formation académique et théologique des imams, prêcheurs, muezzins et des oustazes, et financer la construction, l’entretien et la restauration des mosquées et autres édifices religieux.
Les imams, muezzins, prêcheurs et oustazes seront des agents contractuels de l’État du Sénégal et dans certains cas que la loi précisera, agents de la  fonction publique nationale.
L’ensemble des religieux constituera un clergé hétérogène certes mais qui sera placé sous l’autorité directe du haut conseil du culte musulman. L’État du Sénégal reconnaitra aux membres de ce clergé un statut juridique spécial qui soumettra ces derniers à une obligation de réserve en matière d’appartenance politique et une interdiction d’exercice aussi bien actif que passif du droit de vote.
Le ministère de l’éducation nationale garantira à chaque élève  musulman -si les parents ou le tuteur de ce dernier le désire- l’apprentissage du Saint Coran et de l’Islam et à chaque élève chrétien un cours de catéchisme, si les parents ou le tuteur de ce dernier le souhaite. Ainsi le Gouvernement de la République du Sénégal pourra-t-il avec l’introduction de l’enseignement religieux dans écoles, lycées et collèges combinée à l’obligation de scolarité jusqu’en classe de terminale éradiquer de manière effective le phénomène « talibé njaangan » et abolir le système des « daaras ». De ce fait l’Islam et le Saint Coran seront appris au Sénégal dans des conditions décentes et humaines. Les pouvoirs publics sénégalais pourront dans ce sillage faire construire une université islamique dans laquelle les étudiants en théologie aura accès non seulement à la science religieuse mais aussi aux autres branches de la science (droit, économie, sociologie etc.).
La religion fera ainsi l’objet d’une gestion républicaine, intellectuelle et humaniste.

Abd El Kader Niang
Analyste politique


Dienstag, 6. August 2013

Proposition de réforme de la Justice au Sénégal : Vers une indépendance de la justice sénégalaise.


Bonjour Me Tine et merci d’avoir bien voulu prendre part à cette interview.

Que vous inspire le fonctionnement de la justice au Sénégal ? N’avez-vous pas  l’impression que les citoyens sénégalais ne font plus confiance en leur justice ? Au vu des multiples scandales de corruption qui ont eu à secouer la justice sénégalaise de par le passé, référence est faite entre autres à l’affaire des CDS enregistrés et qui incriminaient Mme Aminata Mbaye avocate générale près la Cour de Cassation au moment des faits, n’urge-t-il pas d’entreprendre des réformes ?

Il est évident que toutes ces affaires ont fini par jeter une suspicion qui opiniâtrement sape plus ou moins la confiance des citoyens sénégalais en la justice de leur pays.

Cependant, je crois profondément que les justiciables sénégalais continuent malgré tout à faire confiance à la justice de leur pays.

Il n’en demeure pas moins qu’ils restent très soucieux de la force et de la solidité de l’institution.

Et c’est aux Pouvoirs Publics que reviennent la tâche de se montrer attentifs et de faire en sorte que des réformes de fond soient entreprises afin de renforcer de manière effective l’indépendance de la justice ; pour qu’elle soit elle-même en mesure d’apporter des solutions impartiales dans le traitement des affaires.

Est-ce que vous ne pensez pas qu’il faut dissoudre le Conseil Supérieur de la Magistrature, supprimer définitivement le Ministère de la Justice et procéder à l’élection au suffrage universel direct des juges et procureurs, pour avoir une justice indépendante au Sénégal ?

Non, je ne pense pas qu’il soit vraiment nécessaire de supprimer le Conseil Supérieur de la Magistrature. En revanche je suis plutôt partisan de sa réforme.
En tant qu’organe chargé par la Constitution d’assister le chef de l’Etat dans la fonction de garant de l’indépendance de l’autorité judicaire, il représente un rouage essentiel de l’Etat de droit.
Qu’en outre le Conseil a une autre mission qui est celle de la gestion de la carrière des magistrats.
Qu’enfin, il joue le rôle de gardien des gardiens des libertés puisque le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par la dénonciation des faits motivant des poursuites disciplinaires contre un magistrat du siège ou du parquet que lui adresse le garde des Sceaux, ministre de la justice.
Personnellement, je pense que dans un souci de renforcement de l'Etat, il serait opportun de mener une réflexion profonde allant dans le sens d’une refondation de la justice au Sénégal.
Me concernant, j'estime que le moment est venu de (re)fonder la justice par un acte fort : en la sortant du gouvernement, pourquoi ne pas supprimer le ministère de la justice, en la confiant à une autorité constitutionnelle indépendante ?
En effet l’exécutif et législatif sont des pouvoirs de l’Etat, la justice quant à elle est un pouvoir de la société puisque la justice est rendu au nom du Peuple.

Si en effet, le gouvernement et le parlement coproduisent la politique du pays et adoptent les lois qui les traduisent, la justice quant à elle n’est pas une autorité de l’Etat chargée de faire passer cette politique dans et par les jugements.
La justice n’est donc ni une autorité d’application de la politique gouvernementale ni une autorité préfectorale parce qu’elle ne relève pas de la sphère étatique.
La justice en soi n’est pas un pouvoir étatique mais « un pouvoir de concert » au sens de Montesquieu, c'est-à-dire un pouvoir qui, par la reconnaissance mutuelle des droits favorise le travail de chacun, la coopération, et le renforcement du lien social.
Sorties, donc, du gouvernement, l'indépendance et l'impartialité de la justice devraient être confiées à une autorité constitutionnelle indépendante, le Conseil supérieur de la justice (CSJ) et non de la magistrature comme c’est le cas actuellement.
Et les citoyens ne peuvent croire en l'impartialité totale d'une justice qui participe et dépend d'un gouvernement partisan donc partial.
Il convient de rendre le Conseil supérieur de la magistrature totalement indépendant de l’exécutif. A cette fin, le Président de la République et le Ministre de la justice ne devraient plus siéger au CSM qui deviendra CSJ.
Celui-ci devrait être convoqué et présidé par des magistrats selon une réglementation nouvelle, comme c’est le cas dans un nombre croissant de pays africains.

Quant à l’élection des juges cela me paraît une piste qui mérite d’être explorée mais seulement pour les hauts magistrats comme les membres du Conseil constitutionnel ou de la Cour suprême.
Qu’en tout état de cause si les juges étaient élus, il faudra faire de sorte que leur travail en toute indépendance ne soit pas tributaire du contrôle du Peuple.
En effet, un des inconvénients de ce mode de désignation des juges est que l’élection les contraindrait à prendre une décision conforme aux aspirations du Peuple au nom duquel il rend au demeurant la justice.
Or, parfois aspirations du Peuple et la légalité normative peuvent ne pas coïncider.

A votre avis ne serait-il pas plus judicieux que d’opérer une séparation fonctionnelle entre juges et procureurs dès la période de formation au Centre de Formation Judiciaire ?

Pour des États comme le Sénégal qui ont peu de moyens, je pense que le tronc commun s'impose pour l'instant ne serait ce que pour réaliser des économies d’échelles.
Dans notre pays, il n'existe qu'une seule voie d’accès à la profession : l’École nationale de la magistrature (ENM).
Après quelques années d’expériences professionnelles, le magistrat peut également assumer des fonctions de haute responsabilité telles que vice-président et président de tribunal ou procureur de la République ou travailler dans une direction de l’administration centrale du ministère de la justice.
A mon sens, je crois que le problème n’est pas la formation initiale des magistrats qui est en cause mais plutôt celui du niveau d’indépendance dont ils pourraient bénéficier vis-à-vis de la Chancellerie.

Que pensez-vous des audits menés actuellement par la cour de répression de l’enrichissement illicite ?

La réalisation des audits constitue une bonne chose, cela procède d’un souci de bonne gouvernance et surtout d’instauration d’une culture de responsabilité qui fait peser sur toutes les personnes investies d’une charge publique une obligation de rendre compte.

A votre avis pourquoi le gouvernement fait-il recours à la cour de répression de  l’enrichissement illicite alors que les cours et tribunaux ordinaires connaissent des faits et délits reprochés à certaines éminences du parti démocratique sénégalais ?

Je suis de ceux qui pensent que le gouvernement n'avait pas besoin de procéder à la résurrection d'une institution d'exception pour juger les personnes mises en cause dans ces affaires.
Qu'à l'évidence, les juridictions ordinaires suffisent pour réprimer tous les actes susceptibles d'être relevés, qu’ils soient des actes de corruption, de détournement de deniers publics, de la prise illégale d'intérêt etc.

Que pensez-vous de cette Cour de répression de l’enrichissement illicite ? N’avez pas l’impression que cette juridiction est politisée par l’actuel pouvoir en place ?
Que pensez-vous de l’arrestation de Karim Wade ? Est-ce une chose conforme à la règle de droit ?

Ma conviction forte est que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) est illégale et anti constitutionnelle, en sens ce qu'elle fonctionne selon une inversion des logiques.
En effet, il est de principe et de jurisprudence que c'est à l'autorité poursuivante c'est à dire l'accusation de rapporter les preuves qui accablent la personne qui est mise en cause.
Or, la CREI prévoit l'inversion de cette logique bien établie en demandant à la personne mise en cause d'apporter la preuve de son innocence et qu'à défaut elle est automatique réputée ou du moins suspecté être coupable des faits qui lui sont reprochés. Il s’agit là d’un étonnant raccourci judicaire.
Pourtant, depuis la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, toute personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit démontrée devant un tribunal impartial devant lequel elle aura la possibilité d’organiser et d’assurer sa défense.

Que pensez-vous de la requête introduite par les avocats de Karim Wade auprès de la cour de justice de la CEDEAO en vue de faire disqualifier la CREI pour défaut de compétence à juger l'affaire opposant Karim Wade, Ousmane Ngom, Oumar Sarr, Madické Niang, Samuel Sarr et Abdoulaye Baldé à l'Etat du Sénégal ?

Il est évident que la Cour n’est pas compétente pour apprécier l’opportunité des mesures internes prises dans le cadre d’une enquête judicaire au plan national.

En revanche, le Sénégal a tort de ne pas respecter l’autorité de l’arrêt qui était tout fait conforme à l’état du droit communautaire.

Une résistance abusive du Sénégal serait constitutive sans doute d’un acte illicite international donc de nature à engager sa responsabilité internationale ; Pacta sunt servanda (Les conventions doivent être respectées).

La Cour de justice de la CEDEAO s’est déclarée compétente pour juger l’affaire opposant l’État du Sénégal aux anciens ministres libéraux, qu’en pensez-vous ?

Il est heureux de constater que la juridiction communautaire avait dit le droit en cette affaire avec son premier arrêt.

N’avez-vous pas l’impression que l’on assiste plus à un lynchage politique fortement médiatisé qu’à une réelle volonté de dire le droit dans l’affaire Karim Wade ?

Comme disait Prosper Weil « Le droit, comme la guerre, n’est fréquemment que la continuation de la politique par d’autres moyens ».

Il n’est pas exclu dans ces affaires qu’il y ait une tentation « naturelle » à vouloir régler par la (même occasion) par la voie judiciaire un conflit qu’on n’a pas pu ou su régler par voie politique.
On se souvient que Macky Sall Président de l’Assemblée nationale à l’époque voulait auditionner Karim Wade et on connait la suite, ce sera le début de la brouille avec le père Abdoulaye Wade et son entourage.

Ceci étant, j’estime que Karim Wade, compte tenu de ses responsabilités antérieures devra forcément rendre compte de sa gestion, quoi de plus normal dans une démocratie.
S’il est suspecté d’avoir commis des infractions, on doit lui assurer la conduite d’un procès le plus impartial qui soit, le plus juste et le plus transparent afin qu’il n’ait aucune excuse devant le Tribunal de l’Histoire.

Par delà la question de compétence de la CREI à juger Karim Wade et Co. n’y-a-t-il pas une ingérence de la CEDEAO dans le fonctionnement interne de la justice sénégalaise, étant donné que la CEDEAO n’est qu’une simple organisation internationale et non une confédération encore moins une fédération ?

On saurait parler d'ingérence pour cette affaire car, une ingérence signifierait une immixtion sans titre. Or la CEDEAO possède un titre de compétence, le Sénégal en ratifiant le traité constitutif a accepté par là même occasion son autorité à dire le droit mais surtout à s’y conformer.
Et comme disait Jean Jacques Rousseau « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est aussi liberté ».

Venons-en à l’affaire Hissène Habré; Le Sénégal est-il compétent à juger l’ancien président tchadien exilé au Sénégal ?

Le 20 juillet 2012, la Cour internationale de Justice, dans l’affaire « Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal) » a statué que le Sénégal avait manqué à ses obligations découlant de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et a ordonné au Sénégal de poursuivre Habré « sans autre délai » à défaut de l’extrader.

En statuant ainsi la Haute juridiction mondiale a ainsi démontré par la même que le Sénégal détient en vertu du droit international (précisément de la convention internationale contre la Torture de 1984) un titre de compétence pour juger Hissène Habré.

Peut-il y avoir un procès juste et équitable dans l’affaire Hissène Habré alors que l’un de ses principaux collaborateurs d’alors, en l’occurrence Mr. Idriss Déby Itno, que certains soupçonne de coresponsabilité ou du moins de complicité dans les faits reprochés à Habré, est nullement inquiété ? N’est pas là deux poids deux mesures ?

Le caractère équitable du procès d'Habré ne dépendra pas de l'arrestation voire du jugement de tous ses co-accusés mais plutôt en la capacité de la juridiction à garantir l’exercice des droits de la défense de l’accusé.

Qu’en tout état de cause, il faut se dire qu'il arrivera un jour où toutes les personnes impliquées dans ces cas de violations graves des droits de l’Homme vont devoir rendre des comptes, si l’on sait bien que tous ces crimes sont imprescriptibles et donc passibles de poursuite au plan universel et à tout moment.

C’est dire que le temps qui passe ne change en rien sur la possibilité pour ces personnes de se voir traduites devant un Tribunal. L’affaire Habré nous le confirme, 23 ans après, Habré qui s'apprête enfin à faire face à ses juges.

Beaucoup d’intellectuels africains ont eu une certaine méfiance à l’égard de la justice pénale internationale ; ils pensent que la justice pénale onusienne est sélective et que les juridictions  pénales du système onusien ne sont des instruments qui servent à traquer les anciens chefs d’État africains ? Qu’en pensez-vous ?

Il s’agit d’une méfiance qui est parfois justifié mais qui ne doit pas nous faire perdre de vue l’essentiel, à savoir la nécessité impérative de lutter contre l’impunité particulièrement en Afrique.

En effet, à chaque fois que la Cour pénale internationale se reconnaîtra compétente c’est que primo un ou plusieurs des crimes internationaux prévus à son statut (crime de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et les crimes d'agression) ont été commis ; secundo que l’Etat qui devait normalement les juger n’a pas fait ce qu’il était en devoir de faire ou en tout cas n’est pas en mesure de le faire.

Et quoi qu’il en soit, n’oublions jamais que la double finalité qui est recherchée est de dissuader la répétition de la commission de tels crimes à l’avenir d’une part mais aussi et surtout de faire justice aux victimes d’autre part.
Le fait que toutes les personnes qui mériteraient sans doute d’être attraites devant la CPI ne le soient pas pour l’instant, ne doit pas justifier le fait de vouloir jeter l’opprobre et l’anathème sur une institution dont sa seule raison d’être est de vouloir moraliser la société internationale.

Et pour parfaite information, l’Afrique est le continent le plus représenté au niveau de l’Assemblée des parties du Statut de Rome qui institue la CPI, 34 pays africains sont ainsi membres de cette Cour.
C’est dire que le vrai combat et le seul qui doit être mené est celui de la démocratisation des relations internationales notamment l’abolition du droit de veto ainsi que l’élargissement du Conseil de sécurité à l’Afrique, pour enfin en finir avec le traitement des "deux poids deux mesures" qui conduit à une activation à géométrie variable du système judicaire international selon les circonstances et les acteurs en cause.

Le maire d’une commune d’arrondissement de Dakar, en l’occurrence Mr Barthélémy Dias, qui ouvre le feu en plein jour sur une foule, reconnaît haut et fort avoir tué un des ses assaillants et se retrouve à l’Assemblée Nationale comme honorable député du peuple bénéficiant en conséquence du privilège de l’immunité parlementaire après un bref passage dans les liens de la prévention, qu’est ce que cela vous inspire ?

Si la question venait à se poser, je crois que Monsieur Dias devra de lui même renoncer à son immunité pour aller au besoin s'expliquer, il en va de sa crédibilité et de son avenir politique.

Que pensez-vous de l’affaire Cheikh Béthio Thioune ?

Il s'agit d'une affaire déplorable mais puisque la justice est entrain de l’instruire, on se doit de laisser la suite de la procédure le soin de nous édifier.

Vous êtes l’avocat du collectif des victimes de la répression des manifestations du 23 et du 27 juin 2011, où en êtes-vous avec les procédures visant la prise en charge des frais médicaux des victimes par l’État du Sénégal ? L’État du Sénégal saura-t-il répondre des faits qui lui sont reprochés devant un tribunal sénégalais aussi bien au civil qu’au pénal ?

Le ministre sénégalais de la Justice vient d’annoncer l’indemnisation de toutes les familles des victimes des violences pré-électorales, je ne peux que saluer une mesure de cette nature d’autant plus qu’elle fait progresser les droits de l’homme au Sénégal.
En indemnisant les victimes des violences préélectorales, notre pays tient ses engagements internationaux qui sont le droit à la réparation de toutes ces victimes de violations graves des droits de l’Homme.
Au plan pénal : l’instruction est en cours. Dans le cas d’Ousseynou Seck, le Tribunal a condamné une personne à deux ans de prison ferme.
Pour le cas de Mamadou Diop, l’instruction est encore en cours et les deux conducteurs du Dragon ont été placés sous mandat de dépôt.
Les victimes de Podor et leurs familles ont été convoquées en juin dernier, et entendues par le Doyen des juges.
Cela veut dire que certaines procédures avancent. Concernant les autres dossiers, il y a eu des mandats de dépôt et des enquêtes sont menées.
Donc c’est une avancée. Ça change nettement par rapport à ce qui se passait sous l’ancien régime par exemple avec le meurtre de Lopy, de Balla Gaye, etc.
La population était arrivée même à penser qu’on ne pouvait pas porter plainte ou inquiéter tout simplement les forces de sécurité lorsqu’il y a des bavures.
 Or, nul n’est au dessus de la Loi. La Loi qui ne peut ordonner le meurtre ou la soumission à des traitements inhumains. Ce sont là des avancées.
D’autre part, il y a des dossiers qui n’ont pas connu de développement depuis le dépôt des plaintes et ceci malgré nos relances nombreuses afin que des mis en cause soient entendus.
Un autre regret, c’est qu’il y a des cas où des mis en cause ne sont même pas entendus.
Par exemple, à part le commandant Madior Cissé, la plupart sont des exécutants qui sont visés par les procédures et mis sous mandat de dépôt.
Or, tout le monde sait qu’ils n’auraient jamais agi de la sorte s’ils n’avaient pas reçu d’ordres qui impliquent une hiérarchie qui reste non inquiétée jusqu’à présent.
Nous sommes en train de nous interroger sur ce point et de réfléchir sur une alternative dans le cas où les autorités sénégalaises, pour une raison ou pour une autre, seraient tentées d’occulter cette partie de la procédure.

Le magistrat Ousmane Diagne débarqué de son poste de procureur de la République, qu’en pensez-vous ?

Tout dépend des raisons pour lesquelles il a été changé. Si c'est juste en raison d’une simple mésentente avec le Ministre de la justice, je dirai que c'est plus que regrettable.
Si c'est au contraire comme le soutient le Ministre que c’est pour les nécessités du service ça se comprendrait aisément.
Quoi qu'il en soit, j'estime personnellement que Monsieur Diagne fait partie de cette génération de magistrats qui a su faire preuve de courage de par ses positions sur certains dossiers comme ceux des victimes des violences électorales de 2012.


Merci Me Tine d’avoir pris part à cette interview de Protubérances Magazine.







Sonntag, 10. Februar 2013

La solution à la crise casamançaise n’est pas exclusivement militaire: Une bonne politique de décentralisation, d’investissement et de désenclavement peut ramener la paix, la sécurité et le développement définitivement dans la région naturelle de Casamance (1ère Partie).


Il ne s’agit dans ce propos nullement de remettre en cause l’incessibilité du territoire national sénégalais. La région naturelle de Casamance, ou autrement dit les régions administratives de Ziguinchor, Kolda et Sédhiou, font bel et bien partie intégrante du Sénégal, lui-même un et indivisible. Il s’agit ici plutôt faire l’ébauche d’un ensemble de mesures politiques et économiques qui peuvent entre autres considérablement contribuer à pacifier la Casamance et à rebooster son dynamisme économique. Il convient aussi de souligner le caractère indispensable de la présence des forces armées sénégalaises dans cette partie du pays et donc par la même de saluer le courage, le patriotisme et le professionnalisme de nos soldats en service dans la zone sud.


En ce qui concerne la décentralisation, l’État du Sénégal doit mettre en œuvre une stratégie de mise en valeur du potentiel agricole, hydrographique, forestier, touristique et pétrolifère de la Casamance afin de créer des entreprises et des unités de production industrielle qui contribueront à générer des emplois sur place et à résorber le chômage dans le sud du Sénégal. Cette politique d’industrialisation des régions du sud se fera dans le respect des normes de protection de l’environnement et de la nature, et sera accompagnée par une politique d’éducation et de formation professionnelle afin de lutter contre l’analphabétisme et le manque de qualification professionnelle.


Une baisse de la fiscalité pour les grandes entreprises et un régime d’amnistie fiscale temporaire pour les PME peuvent en tant que stimulant inciter les investisseurs privés nationaux et internationaux à venir investir en Casamance dans le cadre d’un partenariat privé public. Les dividendes générés dans ce partenariat seront entièrement  et exclusivement réinvestis dans les régions de Ziguinchor, Kolda et Sédhiou pour une période de vingt-cinq ans aux fins de construction de routes, d’autoroutes, d’hôpitaux, d’écoles, d’universités et d’autres infrastructures.


La région naturelle de Casamance, étant pratiquement coupée du reste du territoire national par la Gambie, a besoin d’infrastructures routières, autoroutières, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires plus que toute autre région du Sénégal afin de pallier à cette discontinuité géoterritoriale. En fait il faudrait négocier avec les autorités gambiennes l’ouverture d’une desserte par voie ferrée sur l’axe Ziguinchor-Banjul-Kaolack pour faciliter le transport de personnes et de biens entre le sud et reste du Sénégal et mettre en place un dispositif ferroviaire et autoroutier dense pour relier les différentes métropoles du sud et sud-est entre elles.  


La fluidité du trafic entre des différentes régions du Sénégal peut contribuer à enrayer le sentiment de régionalisme et d’ethnocentrisme qui à côté du communautarisme confrérique constitue une entrave majeure à la consolidation du sentiment d’appartenance nationale et au renforcement de la cohésion sociale. Il s’agit ici d’étouffer dans l’œuf  le projet pseudo-indépendantiste des criminels et bandits du MFDC en proposant à la jeunesse sénégalaise de Ziguinchor, Kolda et Sédhiou un meilleur avenir sous les couleurs de la bannière nationale. L’État du Sénégal devra ainsi cesser toute négociation avec le MFDC et redéployer toutes les composantes des forces de sécurité et défense sur toute la région naturelle de Casamance afin de sécuriser les populations et les biens contre les agressions, les pillages et autres actes de banditisme de la part des bandes armées du MFDC.




Abd El Kader Niang


Analyste politique/ Conseiller en communication




 L'auteur Abd El Kader Niang

Protubérances avec Mme Nathalie Dia, coordonnatrice adjointe et responsable de la cellule communication du Mouvement Taxaw Temm


Bonsoir Mme Nathalie Dia, merci de nous avoir accordé pour une deuxième fois une interview pour ce numéro de Protubérances.
AKN : L’actualité politique sénégalaise est dominée par deux grands thèmes: les audits de la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI) et l’intervention militaire sénégalaise au Mali. Alors que pensez-vous des audits de la CREI ?
La CREI semble pour le moment faire plus d’agitation que de sérénité et d’avancées significatives. On a l’impression que ces convocations ressemblent plus au Carnaval de Rio où l’on invite les uns et les autres à venir faire un tour de piste avant de passer à une autre séquence de théâtre cette fois-ci, pour finir par jouer à cache-cache entre soit-disant « persécuteurs » et « victimes ». Un peu de sérieux dans ce qui semble être la casse du siècle au Sénégal nous agréerait volontiers!


AKN : N’avez-vous pas l’impression les investigations de la CREI sont sélectives, parcellaires ou peut-être même partisanes? En d’autres termes ne pensez-vous pas que les audits sont dirigés seulement vers un groupe de personnes bien définies et que d’autres à qui on peut aussi reprocher de s’être enrichis de manière illicite, ne sont pas inquiétés ?
Ce que l'on note surtout, c'est que la justice spectacle que nous offre la CREI pour traquer les biens supposés mal acquis et le blanchiment laisse penser à un soupçon de vouloir gagner du temps jusqu’ aux élections présidentielles de 2017 (s’il y a raccourcissement du mandat présidentiel) en faisant trainer la procédure, ou pire en se précipitant avec le secret espoir d’entacher les procédures d’irrégularité de sorte qu’elles seront annulées par le juge même en cas de culpabilité. Donc, dans un cas comme dans l’autre les audits auront accouché d’une souris. Ce qui importe pour nous qui sommes de l'autre côté de la barrière, c'est de nous montrer intransigeants pour bannir toute forme d’impunité et exiger la récupération de toutes les sommes détournées. Si l’on a rien à se reprocher, il est inutile de crier au scandale ou de se sentir victimisé ou persécuté!


AKN : Est-ce que vous faîtes confiance à la CREI dans cette mission qui lui est dévolue ?
Pour l’instant non et je l’ai expliqué plus haut!


AKN : Certains avocats évoquent la possibilité de médiation pénale, pensez-vous que les audits seront menés jusqu’au bout avec à la clé des poursuites judiciaires pénales et que l’argent du contribuable sénégalais sera totalement recouvré ?
Ce ne sont  pas seulement les avocats qui l'évoquent; le gouvernement par la voix du Ministre de la justice, ainsi que les leaders de Benno Bok Yaakar privilégient, malheureusement cette médiation pénale. Or toute situation juridique expose soit à une responsabilité civile et / ou pénale. Substituer la responsabilité civile à la responsabilité pénale quand toutes les deux sont engagées c’est faire preuve de déni de justice alors même que se pose une exigence de justice et d’éthique. C’est un fait gravissime, car cela voudrait  dire que «  voler n’est pas grave, mais c’est se faire prendre qui l’est » et qu’en tout état de cause « on ne court aucun risque du moment qu’on a les moyens de rembourser ». Une certitude : il ne faut pas trop se faire d’illusion quant au recouvrement total de l’argent détourné encore moins d'une condamnation forte des personnes incriminées.


AKN : Quelles sont vos attentes par rapport au fonctionnement de la justice sénégalaise dans cette mission de répression de l’enrichissement illicite en particulier et en général dans sa mission de garantie du respect du droit par tous et de sanction des infractions à la loi ?
Nos attentes sont, bien évidemment nombreuses. La plus pressante étant celle de voir une justice sereine et équitable qui dira le droit quelque soit le justiciable. Une justice qui instruit à charge et à décharge, une justice qui ne soit ni aux ordres, ni instrumentalisée,une justice libre avec des magistrats indépendants. Une justice qui fait respirer l’Etat de droit en respectant le droit ainsi que les droits de chacun.
C’est une question de justice, d’éthique et d’intégrité…


AKN : Que pensez-vous de l’intervention militaire du Sénégal au Mali ? N’est-ce pas un choix risqué ?
Ce n’est pas un choix risqué, c’est un choix qui s’imposait à nous naturellement. Le Mali est un pays frère et c’est tout naturellement que l’on approuve cette décision. Nous devons soutenir nos vaillants djambars dans cette noble mission qui leur est confiée et leur souhaiter plein succès.


AKN : A votre avis le Sénégal a t-il les moyens de mener une guerre contre le terrorisme ? Le choix du gouvernement sénégalais ne risque-t-il pas d’exposer le Sénégal et les citoyens sénégalais à d’éventuelles représailles de la part des terroristes ?
Il est évident que le Sénégal, tout comme les pays de la sous région, n’a pas les moyens de mener seul une guerre contre le terrorisme. Le terrorisme est un cancer planétaire et aucun pays dans le monde  à lui seul ne peut apporter une réponse adéquate au terrorisme de façon durable ou pérenne. Il faut donc pour cela une action concertée, coordonnée sans transiger. Avec ou sans engagement au Mali, le Sénégal  et les sénégalais sont exposés à d’éventuelles représailles de la part des terroristes et des narcotrafiquants à l’instar des sept (7) pays qui partage une frontière commune avec le Mali. Ce dernier constitue donc un Etat tampon face aux terroristes et par conséquent s’il tombe, tous les autres pays de la zone vont suivre comme dans un jeu de domino. En défendant le Mali, tous ces pays se protègent donc.


AKN : Certes dix mois c’est assez prématuré pour faire le bilan de l’actuel régime en place, mais que pensez de la démarche du Président de la République Mr Macky Sall ?
10 mois c'est tout à fait suffisant pour juger une action, ne serait-ce que pour en dessiner les tendances. Pour ce faire il faudrait partir des objectifs fixés au départ, des moyens mis en œuvre et des résultats obtenus pour dégager les écarts constatés entre les objectifs et les résultats. A tout moment il est possible d’effectuer un bilan d’étape, d’ailleurs nécessaire, afin d’apporter les correctifs nécessaires en cours d’exécution d’un projet.


On peut retenir comme exemple, l’engagement de campagne du candidat Macky Sall, repris dans la Déclaration de Politique Générale du Premier Ministre pour le compte du Président Macky Sall, de créer 500.000 emplois en 5 ans (durée supposée de son mandat) en raison de 100.000 emplois par an.


Le Président Macky Sall dans son adresse à la Nation du 31 décembre 2012 reverra cet engagement à la baisse, soit 30.000 emplois par an (emplois crées à travers le FONGIP et le FONSIS). La question est donc de savoir combien d’emplois ont été crées en 10 mois (soit 1 an)? Plus généralement, le bon sens commande de se poser la question de savoir si Macky Sall pourrait créer 500.000 emplois en 5 ans alors que l’ensemble des emplois du secteur formel au Sénégal est loin en deçà de ce chiffre.


AKN : Croyez-vous que Mr Macky Sall pourra redresser la situation durant son mandat ou lui faudrait-il un second mandat ?
Dans la vie, tout est question d'organisation! Un mandat est bien largement suffisant pour dérouler un programme si tant est que l'on soit là pour servir et uniquement servir. Cela suppose évidemment, une feuille de route avec des objectifs bien définis et structurés, un bilan à mi-parcours mais aussi et surtout les hommes qu'il faut à la place qu'il faut!


Prétendre vouloir un second mandat pour parachever une œuvre à peine entamée, parce que l'on aura passé son temps à tâtonner, serait superfétatoire. Le temps est au travail pas à la rigolade.


AKN : Si c’était pour demain les prochaines élections présidentielles, est-ce-que vous auriez voté pour Mr Macky Sall ?
Définitivement: non! Pour la simple et bonne raison que nous découvrons qu'il n'a jamais été question pour le Président de la République d’éthique, de transparence, de la fin du clientélisme comme il l'avait énoncé dans son premier discours à la Nation. La rupture tant attendue pour amorcer un saut qualitatif dans le sens de la bonne gouvernance n'est pas au rendez-vous! Ce que nous voyons c'est plutôt une gestion plus ou moins patrimoniale des affaires de l’Etat qu’installe lentement mais sûrement le parti de Macky Sall au sommet de l'Etat... c’est donc pour nous une impression de déjà-vu ou déjà-vécu!


AKN : Qu’en est-il de Mr Ibrahima Fall ? Est-il de la majorité ou de l’opposition ?
Le Professeur Ibrahima Fall se porte comme un charme. Comme il l'a dit récemment, il n'est ni dans l'opposition ni dans la majorité. Sa seule constante reste les valeurs, la culture de l'excellence. C'est un vaste chantier, vous savez!


AKN : Sera-t-il candidat aux prochaines échéances présidentielles ? Est-il toujours votre candidat ?
Nous avons le temps de voir venir les choses. Ce qui importe pour nous c'est de restructurer le mouvement, de le massifier et de préparer notre Congrès dans un futur proche qui déterminera la suite des évènements. A ce moment là, l'on saura s'il sera candidat ou pas.


AKN : Au Sénégal quand on parle de politique on a tendance à se concentrer sur la majorité et donc on omet d’analyser les actes posés par l’opposition, que pensez-vous de l’actuelle opposition libérale à la Place Soweto ?
Il est bien vrai qu’au Sénégal, le focus est toujours mis sur la majorité avec la croyance saugrenue que la minorité compte pour quantité négligeable. C’est le reflet de l’état d’immaturité voire primaire de la démocratie. L’opposition actuelle est bien dans son rôle même si bien souvent elle fait preuve de beaucoup de populisme et se pose en victime. Elle devrait sans doute s’inscrire dans une dynamique constructive et une perspective alternative en faisant le bilan sans complaisance de leurs douze (12) ans de mal gouvernance. Malheureusement,  majorité présidentielle comme opposition sont dans une logique de vengeance et de règlements de compte loin des préoccupations des sénégalais tenaillés par la cherté de la vie, les perspectives d’avenir sombres etc…


AKN : Que diriez-vous du M23 ?
Le M23 est l’expression de l’émergence d’une opinion publique salutaire capable de peser de tout son poids sur les décisions des pouvoirs publics. Contrairement à ce qu’on pourrait penser (même si c’est la position de certaines individualités du M23), le M23 n’est pas né pour régler simplement un problème ponctuel à savoir à la fois le retrait du ticket présidentiel de Me Wade, sa troisième candidature inconstitutionnelle et le respect absolu de la Constitution. Mais le message du M23 va au-delà de cette exigence, car il dispose pour l’avenir ; autrement dit il s’adresse au régime de Me Wade, mais met en garde tous les pouvoirs à venir.  Désormais rien ne sera plus comme avant, étant entendu que le M23 s’érigera en observatoire et en sentinelle de défense de l’Etat de droit et de la démocratie, du respect de la constitution etc…


Avec la dernière Assemblée Générale tumultueuse du M23, certains en ont déduit la fin du mouvement suite à sa scission. En réalité il n’ya pas eu de scission, mais le départ de certains jeunes (pas tous) qui sont opposés  à la mutation du M23 en association de droit privé pour sortir de l’informel et assurer son indépendance vis-à-vis de tous ceux qui voudraient l’instrumentaliser. Ceci est vital pour la survie du M23; se sont les partis politiques et certaines personnalités qui assuraient son financement. Le M23 comme le Mouvement Y’en a marre ont toujours leur raison d’être et doivent survivre à toutes les chapelles pour nourrir et faire respirer la démocratie et parer à toute éventualité de dérives et confiscation des acquis de la volonté populaire.


AKN : Et le mouvement « Y en a marre » ? A-t-il toujours sa raison d’être ?
La raison d'être de "Y'en à marre", esprit ou Mouvement est plus vivace aujourd'hui qu'elle ne l'était hier et l'est bien moins que demain! Un peu pour dire que ce mouvement et cet esprit iront de pair tant que le bien-être des populations ne sera au cœur des préoccupations de ceux qui gouvernent. On constate depuis quelques temps, qu'après s'en être servi comme moyen d’instrumentalisation et de manipulation politique pour abuser l’opinion publique, une volonté manifeste de jeter l'opprobre sur le Mouvement Y'en à marre. C'est peine perdue... Moi je crois bien plus en l’esprit « Y’en à marre » qui habite chacun de nous, épris de justice, d’équité et de courage et je reste persuadée que les choses ne se passeront plus comme par le passé. Le Mouvement Y'en à marre a une légitimité certaine, n’en déplaisent à certains ; un tel rassemblement n’a pas été vu depuis les mouvements de contestation de Mai 68. Ce mouvement est une sentinelle de défense de l'Etat de droit et de la démocratie, du respect de la Constitution!


AKN : Des danseuses qui exhibent leurs parties intimes en public, une miss diongama en pantalon transparent et une certaine presse qui participe à la divulgation de ces images jugées obscènes par les puritains, que vous inspire tout cela Mme Dia ?
Cela m'inspire que notre société est en crise et notre presse aussi! Concernant la presse, si le code de déontologie du journalisme, autrement dit l'éthique à laquelle un journaliste doit souscrire avant de s'engager dans sa profession n’est pas respecté, on court droit à la catastrophe. Si des méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents sont utilisées, si l’on ne respecte pas la vie privée des personnes voilà à quelle sorte de dérives nous arrivons. Il fut un temps où nous avions peur du  regard d’autrui, nous avions peur de blesser l‘autre! Nous voulons certes de l'information mais de grâce, pas n'importe quelle information!


Je me rappelle avoir poussé un cri du coeur  au lendemain de l’élection Miss Diongoma à la lecture de l'article titré " Avis aux hommes: les candidates à Miss Diongoma cherchent un mari"!! Aujourd’hui je pousse un haut-le-cœur à la vue de ces images exhibitionnistes qui ne reflètent en rien l’image  de la vraie belle femme sénégalaise aux formes généreuses chic en boubou ou en pagne. C’est affligeant... Mais bon… c'est le monde dans lequel nous vivons!


Je vous remercie Mme Dia








   




 L'auteur Abd El Kader Niang

Proposition pour une réforme du multipartisme au Sénégal : Vers une limitation du nombre de partis politiques afin de garantir le bon fonctionnement du système politique


La meilleure définition du concept « démocratie » en tant que forme d’organisation sociopolitique, à mon avis, nous la retenons de Platon qui faisait dire à Ménexène dans un dialogue avec Socrate que la démocratie « c’est en réalité le gouvernement de l’élite avec l’approbation de la foule ». Les partisans d’une définition plus canonique du concept  « démocratie » et par la même plus proche du sens étymologique du terme pourront avec aisance paraphraser Abraham Lincoln et affirmer que « la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Eu égard au nombre pléthorique de partis qui foisonnent sur l’échiquier politique sénégalais, il s’impose alors de se poser la question à savoir si cette inflation de partis politique ne nuit pas tout simplement à l’exercice souverain de la légitimité populaire et au bon fonctionnement de la démocratie sénégalaise.


La logique du jeu des partis politiques, legs structurel de la IVème République française, constituant la clef-de-voûte du système politique au sein du régime semi-présidentiel de la Vème République française de 1958, laquelle a servi de modèle à la Constitution sénégalaise de 1963, qui elle-même inspire celle de 2001, consacre ces mêmes partis comme étant les acteurs de la vie politique de la Nation.


Les partis politiques étant donc en substance des associations et groupements de personnes physiques libres et égales en droit sont censés concourir à l’expression du suffrage universel. Et dans ce sens ils se doivent de polariser les citoyens autour d’un même idéal politique selon un programme de parti bien défini. De ce fait les partis politiques sont, selon les théories délibératives faisant référence en sciences politiques, supposés remplir deux fonctions essentielles : en résumé celle de servir d’intermédiaire d’entre le peuple et le pouvoir; et celle de contribuer à la formation d’une opinion publique nationale dans l’intention de conquérir (ou le cas échéant de maintenir) le pouvoir politique réel afin de d’appliquer le projet de société conçu et présenté aux citoyens  durant la campagne électorale.


Alors comment comprendre qu’il y ait au Sénégal, pays peuplé de moins de 13 millions d’habitants, plus de 120 formations politiques !? Peut-il y avoir dans un pays cent-vingt intermédiaires entre le pouvoir et les citoyens ? Doit-on tolérer que cent-vingt « partis » prétendent participer de manière constructive à la formation de l’opinion publique ?


Démocratie ne signifie pas inflation de partis politiques. Et ce nombre surélevé de partis présents sur la scène politique nationale ne contribuent qu’à morceler l’échiquier politique et à rendre difficile l’obtention de la majorité des suffrages exprimés à l’issue du premier tour du scrutin présidentiel et rend hasardeux le résultat d’un second tour parce qu’ouvrant la porte à toute forme d’alliances de circonstance, qui ne reflètent en rien la volonté de électeurs et ridiculisent le sens réel de l’expression des suffrages. En outre la présence superflue de candidats impopulaires et le plus souvent inconnus des électeurs cause un préjudice financier grave pour le trésor public et donc le pauvre contribuable sénégalais, vu qu’il leur faut un temps d’antenne à la télévision lors de la campagne électorale et des bulletins de vote imprimés pour finir ensuite comme papier d’emballage pour les marchands de cacahuètes.


Il urge à ce titre de limiter le nombre des partis politiques et de rationnaliser le jeu démocratique.
Comment faire pour limiter le nombre de partis politique au Sénégal ?   


Il suffit d’introduire une clause restrictive et éliminatoire à hauteur de 8% (par exemple) des suffrages valablement exprimés.  C'est-à-dire un parti qui n’arrive pas engranger 8% des suffrages valablement exprimés lors d’une échéance électorale se voit retirer son récépissé définitivement et perd irréversiblement son statut de parti politique. Dans ce cas de figure le parti concerné ne pourra plus se présenter à aucune élection que ce soit des  élections locales, législatives ou présidentielles. Ainsi dans cette logique seuls les partis représentés au niveau des collectivités locales pourront prendre part aux élections législatives et seuls les partis présents à l’Assemblée Nationale pourront prendre part aux élections présidentielles.


La loi électorale devra alors imposer à chaque parti politique la tenue d’élections primaires internes transparentes, libres et démocratiques. Ces élections primaires seront fermées c'est-à-dire seuls les militants dudit parti auront droit à prendre part à ce scrutin. Pour s’acquitter de leur droit de vote ces derniers devront remplir les mêmes critères d’éligibilité active prévue par la loi électorale en termes de droits civiques (majorité civique, jouissance pleine des facultés mentales et droits civiques). 


Afin préparer les électeurs à prendre part de manière intelligente à la vie de la Nation, à faire preuve de maturité politique et à bien choisir leurs leaders, le code électoral devra permettre aux citoyens sénégalais âgés de seize ans révolus de prendre part aux élections locales.


Tous les mandats électifs doivent être ramenés à 06 ans. La sixième année sera déclarée année électorale prévoyant la tenue de campagnes électorales en vue de l’organisation successive et à intervalle régulière d’élections primaires, locales, législatives et présidentielles. En d’autres termes toutes les élections auront lieu la même année. Le nombre de mandats électifs sera limité à deux par le moyen d’une contrainte légale prévue dans le code électoral et disposé dans la charte constitutionnelle. Ainsi le Sénégal pourra renouveler tous les douze ans son personnel politique et éviter l’émergence ou sinon le maintien perpétuel au pouvoir d’une caste d’hommes et de femmes politiques professionnels. Cette discontinuité personnelle assurera au Sénégal une continuité institutionnelle.


Les candidats indépendants aux élections (locales, législatives et présidentielles) devront rassembler un certain nombre de signatures, apporter comme caution une forte somme d’argent dont l’origine est licite et faire acte de candidature au moins un an jour pour jour avant la tenue des élections auxquelles ils comptent prendre part.


Le programme et la charte de chaque parti politique sera soumis à un contrôle de constitutionnalité et de légalité. Les partis dont le programme ou la charte contiennent des dispositions contraires à la Constitution, aux lois et règlements du Sénégal seront dissous par le Conseil Constitutionnel.


Ainsi pourrons-nous avoir moins d’une demi-douzaine de formations politiques représentatives et dépositaires légitime d’un idéal politique citoyen conforme à la Constitution sénégalaise dans son esprit comme dans sa lettre. Les partis politiques seront alors institutionnalisés, leur  financement sera public et leur fonctionnement démocratique. Les campagnes électorales cesseront alors d’être des séances de « sabar » ou de « tannebéer » et deviendront des exercices de questionnement pertinent des candidats, d’analyse des discours des candidats et d’interactions réelles entre électeurs et candidats. Le jeu politique lui-même cessera d’être du folklore et deviendra un exercice rationnel de délibération des élus du peuple et de participation des citoyens. Et les électeurs voteront selon le modèle de Michigan (identification partisane, personnalité des candidats et orientation sur les questions de fond). Je reviendrai plus amplement sur ce dernier point dans mon prochain post.




Abd El Kader Niang


Analyste politique

 L'auteur Abd El Kader Niang

Manifeste pour la mise en œuvre d’une stratégie nationale de lutte anti-terroriste


La présence dans la zone saharo-sahélienne de groupes armés supposés affiliés au réseau, terroriste transnational Al-Qaïda, l’effervescence dans les pays du monde arabo-musulman , la chute du régime de Kadhafi, l’érosion du monopole  de la violence physique légitime de l’État malien , l’instabilité politique constante en Mauritanie, la porosité de nos frontières et plus récemment notre intervention armée dans la guerre de l’Azawad sont autant d’arguments qui font que le Sénégal est un pays qui est appelé à mettre en œuvre une stratégie de lutte adéquate contre le terrorisme afin de parer à toute éventualité et de répondre de manière efficace aux besoins en sécurité des populations civiles sans pour autant verser dans une obsession sécuritaire, qui pourrait nuire à notre économie et au libre exercice des droits civiques élémentaires et libertés fondamentales que la Constitution nous garantit.


Cette stratégie nationale de lutte anti-terroriste peut s’appuyer sur les deux principales formes de dissuasion classique: la prévention et la répression.


La dissuasion préventive sera alors une stratégie de lutte contre le terrorisme qui met l’accent sur la communication. C'est-à-dire il s’agira de faire comprendre aux groupuscules ou réseaux terroristes qui veulent s’en prendre au Sénégal, à ces citoyens et/ou à ses intérêts vitaux et/ou stratégiques qu’il ne vaut pas la peine de tenter quoi que ce soit contre le Sénégal, ces citoyens et/ou ses intérêts vitaux et/ou stratégiques dans la mesure où les forces sénégalaises de sécurité et défense ne leur permettront pas d’en arriver à nous menacer dans notre intégrité et/ou de nuire à nos intérêts.


La dissuasion répressive ou punitive quant à elle consistera à faire comprendre aux ennemis potentiels du Sénégal que constituent les groupuscules et réseaux terroristes, qu’il ne sert à rien de vouloir s’en prendre au Sénégal, à ces citoyens et/ou à ses intérêts vitaux et/ou stratégiques dans la mesure où le Sénégal saura ,en cas d’attaque ennemie ou attentat contre son territoire, ses citoyens et/ou ses intérêts, traquer les auteurs de cette agression et les traduire en justice, le cas contraire organiser une campagne de représailles armées cinglantes, asymétriques et inouïes aux fins de garantir l’intégrité du territoire sénégalais, la sécurité des citoyens sénégalais et la sauvegarde de ses intérêts.


La mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme présuppose une profonde restructuration des nos forces de sécurité et de défense telle que je l’ai suggérée dans mes posts antérieurs  afférents à la politique de sécurité du Sénégal (voir les liens suivants).








En outre de ces propositions, la création  d’un corps paramilitaire de garde-frontière avec comme tutelle le ministère de l’intérieur s’avère nécessaire pour ainsi garantir l’imperméabilité de nos frontières terrestres pour les terroristes, criminels, immigrants clandestins et trafiquants.




Abd El Kader Niang


Analyste politique 

 L'auteur Abd El Kader Niang