Sonntag, 18. August 2013

Vers une redéfinition de la laïcité au Sénégal et une gestion républicaine de la chose religieuse


La constitution de la République du Sénégal veut dans sa théorie normative que le Sénégal soit un état laïc. Cependant une simple observation empirique objective de la pratique politique réelle, en termes de fonctionnement des institutions, suffit pour en déduire que le Sénégal est de facto un état religieux. En d’autres termes le caractère laïc de la République du Sénégal est putatif. L’idée même de laïcité en tant que forme d’organisation politique, à l’origine, ne découle pas de la volonté souveraine du Peuple Sénégalais, mais résulte plutôt du suivisme de l’élite politique et intellectuelle du Sénégal postcolonial immédiat, qui n’a pas su forger une loi fondamentale et un système de régulation normative à l’image de la société sénégalaise. Il a été simplement question de  plagier odieusement le modèle français et de l’appliquer à une société sénégalaise, qui malgré un siècle et demi d’occupation coloniale et de tentative d’aliénation culturelle a su préserver son identité religieuse. Nous avons été musulmans avant d’avoir été sénégalais, nous avons été croyants, avant d’avoir été citoyens. L’Islam est millénaire au Sénégal, alors que la République du Sénégal vient tout juste de célébrer le 53ième anniversaire de son accession à la souveraineté internationale.
Les élites politique et intellectuelle du Sénégal ne sont toujours pas parvenues, et ce après cinquante années de souveraineté internationale, à intégrer l’identité religieuse de l’écrasante majorité des citoyens sénégalais, en tant que donne sociologique réelle, dans le système de notre organisation sociopolitique. C'est-à-dire la chose religieuse a été toujours et continue encore de faire l’objet d’une gestion informelle. Ce qui entre autres explique le phénomène de mendicité des élèves en école coranique et la gestion ethno-tribale voire clanique de l’Islam au Sénégal.
La laïcité à laquelle la constitution sénégalaise fait allusion dans son premier article n’est rien d’autre que le pendant politique de l’athéisme, de l’anticléricalisme et de l’anti-religion. Ce concept de laïcité à la française nous est étranger. Et ce n’est pas la simple abstraction d’une fiction juridique qui fera de nous autres sénégalais des athées, des anticléricaux ou des ennemis de la religion. Il nous faut donc une redéfinition de la laïcité, laquelle prendra en compte nos réalités socioculturelles auxquelles nous référons. Il ne s’agit ici nullement de faire l’apologie d’un régime théocratique. Je rejette toute idée de fondation d’un régime théocratique au Sénégal.
Si laïcité veut dire  séparation entre l’État et la religion, que cette séparation soit alors purement fonctionnelle et non fondamentale. C'est-à-dire que cette séparation ne nie pas le fait  social réel que nous le Peuple Sénégalais sommes croyants en Dieu. Et de la même manière qu’il y a des institutions politiques qui ont pour vocation d’organiser la vie publique de la Nation, que l’on crée un organe institutionnel neutre et équidistant chargé d’organiser la gestion du culte. En d’autre termes la République du Sénégal devra être neutre (c'est-à-dire ni musulmane ni chrétienne) et à égale distance entre les différentes confréries dans le cadre de sa gestion des questions cultuelles.
L’architecture institutionnelle du Sénégal a plus que jamais besoin d’un secrétariat d’État au culte et d’un haut conseil du culte du musulman dans lequel toutes les confréries musulmanes du Sénégal seront représentées de manière paritaire. Le haut conseil du culte musulman convoquera à échéances régulière les états-généraux de l’Islam au Sénégal et aura pour mission principale d’harmoniser la pratique de l’Islam au Sénégal. Il servira aussi d’instance de dialogue entre les différentes confréries du Sénégal. Le secrétariat au culte quant à lui aura pour mission d’organiser la gestion administrative des affaires religieuses. Il sera compétent pour prélever des impôts destinés aux cultes, collecter des dons, organiser les fêtes religieuses (Tabaski, Korité, Tamkharit etc.) sur l’étendue du territoire national et financer de manière proportionnelle les cérémonies religieuses à caractère confrérique (Maouloud, Magal, Daka, commémoration de l’appel de Yoff etc.). Il sera doté d’un budget voté par le parlement pour subventionner la formation académique et théologique des imams, prêcheurs, muezzins et des oustazes, et financer la construction, l’entretien et la restauration des mosquées et autres édifices religieux.
Les imams, muezzins, prêcheurs et oustazes seront des agents contractuels de l’État du Sénégal et dans certains cas que la loi précisera, agents de la  fonction publique nationale.
L’ensemble des religieux constituera un clergé hétérogène certes mais qui sera placé sous l’autorité directe du haut conseil du culte musulman. L’État du Sénégal reconnaitra aux membres de ce clergé un statut juridique spécial qui soumettra ces derniers à une obligation de réserve en matière d’appartenance politique et une interdiction d’exercice aussi bien actif que passif du droit de vote.
Le ministère de l’éducation nationale garantira à chaque élève  musulman -si les parents ou le tuteur de ce dernier le désire- l’apprentissage du Saint Coran et de l’Islam et à chaque élève chrétien un cours de catéchisme, si les parents ou le tuteur de ce dernier le souhaite. Ainsi le Gouvernement de la République du Sénégal pourra-t-il avec l’introduction de l’enseignement religieux dans écoles, lycées et collèges combinée à l’obligation de scolarité jusqu’en classe de terminale éradiquer de manière effective le phénomène « talibé njaangan » et abolir le système des « daaras ». De ce fait l’Islam et le Saint Coran seront appris au Sénégal dans des conditions décentes et humaines. Les pouvoirs publics sénégalais pourront dans ce sillage faire construire une université islamique dans laquelle les étudiants en théologie aura accès non seulement à la science religieuse mais aussi aux autres branches de la science (droit, économie, sociologie etc.).
La religion fera ainsi l’objet d’une gestion républicaine, intellectuelle et humaniste.

Abd El Kader Niang
Analyste politique


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